Généalogie de la transmission entre fonderies des poinçons d’une fonte en lettres françoyses.
La BnF accueille tous les ans des chercheurs associés qui conduisent un travail au plus près de ses collections.& Alors qu’il achève son parcours de recherche à la BnF, Aurélien Vret présente les derniers résultats de ses recherches menées à la Bibliothèque de l’Arsenal autour de son projet :& Pourquoi il est essential de faire de la typographie contemporaine à la BnF, et ce que cela change pour l’avenir de la création artistique en& général.
La première fonte en lettres françoyses gravée et fondue par Philippe Danfrie (1534?-1606) en 15581, est un saint augustin2. Rémi Jimenes a étudié en 2011 cette même fonte dont il a retrouvé le lieu actuel de conservation3. Il se situe maintenant au Musée de l’imprimerie et de la communication graphique de Lyon4 :
Ils ont été acquis par le Musée de l’imprimerie de Lyon, où ils sont aujourd’hui conservés sous le numéro d’inventaire 866.
J’ai découvert5 moi-même l’existence de quelques caractères de ce saint augustin (sort B1), gravé par Philippe Danfrie, dans le fonds Mandel de la bibliothèque de l’Arsenal. Par la généalogie de la transmission de ces poinçons entre fonderies, je vais tenter d’affiner cette transmission complexe en ajoutant quelques nouveaux éléments à ce qui a déjà été largement prospecté. En suivant les différentes opérations de fusions-acquisitions que j’ai commencé à étudier, l’on peut tracer la circulation de ce patrimoine industriel à travers les différentes époques.
Dans ce contexte, la fonderie de Joseph Molé, la fonderie Molé jeune6, qui deviendra ensuite la Fonderie Générale, a joué un rôle très necessary dans la concentration et la transmission des différentes collections de poinçons qu’elle avait fabriquée et constituée entre le 12 nivôse an X et 19127. Quand la fonderie G. Peignot & fils absorba par fusions-acquisitions la firme Girard et Cⁱᵉ, elle deviendra en 1923 la raison sociale Deberny & Peignot8 jusqu’en 1974, date à laquelle elle fera faillite. Cette histoire récente explique la présence de ce saint augustin (sort B1) dans la firme au moment où Harry Carter et Hendrik D. L. Vervliet écriront leur étude.
C’est donc après 1974 que Charles Peignot a choisi de faire don de ces poinçons dans un lieu de conservation différent9 de celui du Cabinet de poinçons de l’Imprimerie nationale. Comme le mentionne Rémi Jimenes10:
Cette acquisition est restée discrète. L’inventaire du Musée n’en indique pas la date, et nul historien ne parait s’être aperçu de la présence de ces poinçons au Musée. J’ignorais moi-même leur existence, jusqu’à ce que M. Alan Marshall me la signale […].
Le rôle pivot qu’a joué Joseph Molé au début du XIXᵉ siècle pour la transmission des poinçons permet en même temps de déterminer de manière beaucoup plus fantastic la circulation du saint augustin (sort B1) de Philippe Danfrie sous l’Ancien Régime.
L’étude du spécimen de caractères: Collection typographique gravée sur acier par Molé jeune, de la fonderie Molé jeune11, est aussi importante pour comprendre le rôle qu’a joué Pierre Didot (1761-1853), imprimeur du roi Louis XVIII, dans son impression, puisque Joseph Molé ne disposait pas de sa propre imprimerie. La point out «Imprimerie de Pierre Didot», qui figure en signature au bas à droite de chaque tableau permet de tracer de manière beaucoup plus superb la présence du «Civilité de saint-augustin №163» dans le 4ᵉ tableau de la fonderie Molé jeune. Le Manuel de la typographie française de Pierre Capelle mentionne brièvement ces mêmes fontes dans la partie qui concerne les «caractères modernes d’écriture»12:
La bâtarde ancienne, en usage au quinzième siècle; la cursive française, gravée en 1556, par Granjon, très-répandue encore dans les dernières années du dix-huitième siècle, malgré les frappes de Fournier et les nouvelles frappes de Wafflard. […]
Même si Pierre Capelle ne fait pas de distinction entre la gravure des caractères d’écriture, qu’il nomme «bâtarde ancienne», réalisée par Robert Granjon et la gravure de Philipe Danfrie, il mentionne bien que cette même fonte a été frappée par Fournier, et ensuite par Wafflard. On peut donc estimer que c’est par le célèbre graveur de poinçon du père de Pierre Didot, François-Ambroise Didot (1730-1804), que ces poinçons ont transité jusqu’à Joseph Molé. Pierre-Louis Vafflard, dit aussi «Wafflard», ancien apprenti de Joseph Gillé13, a été également le fondeur d’Antoine Fournier14, dit aussi «Fournier l’aîné»15. C’est probablement au contact de ce dernier que Pierre-Louis Vafflard a pu se procurer les poinçons pour frapper à nouveau les matrices, comme l’avait déjà réalisé le grand père d’Antoine Fournier, Pierre-Simon Fournier le jeune pour son Manuel typographique publié en 1764.
Comme le mentionnent Harry Carter et Hendrik D. L. Vervliet dans la discover 482 de la même épreuve16 du Manuel typographique de Pierre-Simon Fournier le jeune, les caractères employés sont un mélange entre les fontes de Granjon et Danfrie (varieties B1 + A2). Si on la examine avec celle du «Civilité de saint-augustin №163» de Joseph Molé, on voit tout de suite que les «M» sont différents dans l’épreuve de Molé, alors que Fournier le jeune emploie les «A» des deux graveurs pour composer le même nom de «Aleyx» dans la même épreuve. Ce qui semble indiquer que la nouvelle frappe de Pierre-Louis Vafflard respecte davantage la fonte initiale de Philippe Danfrie et sur laquelle nous reviendrons.
Une fois cette jonction établie entre la fonderie de Molé jeune, qui deviendra ensuite la Fonderie Générale, avec la généalogie de la transmission de ces poinçons au XVIIᵉ siècle, il est attainable de tracer tout son parcours entre Philippe Danfrie et la fonderie Deberny & Peignot. Comme le détaille Rémi Jimenes, la vente des filles de Guillaume III Le Bé constitue une autre transmission importante pour l’histoire de ces poinçons17:
On sait que ses poinçons de civilité étaient passés dès la fin du XVIᵉ siècle dans les collections de la fonderie de Guillaume II Le Bé […]. Cette entreprise, qui possédait entre autres des matériels originaux de Claude Garamont, fut pendant près de trois siècles la dépositaire et la garante de toute la tradition typographique française […]. L’histoire de cette fonderie est connue. Les collections sont transmises à Guillaume III Le Bé (le fils de Guillaume II), qui meurt en 1685. Sa veuve prend alors en cost l’entreprise jusqu’à sa propre mort, en 1707. Ses filles héritent de la fonderie, mais, manquant d’expérience, elles font appel à un gérant: Jean-Claude Fournier. En 1730, après la mort du gérant, son fils aîné, Jean-Pierre Fournier, rachète aux héritières Le Bé l’ensemble des matériels de l’entreprise, et donc les poinçons originaux de Danfrie […]. Jean-Pierre Fournier est le frère aîné de Pierre-Simon: on se doute bien que l’auteur du Manuel typographique n’aura pas eu de mal à se faire prêter les matériels dont il aura eu besoin […].
C’est le même Jean-Pierre Fournier qui établira une copie de l’inventaire de la fonderie Le Bé, initié le 14 juillet 1598 et transcrit dans un article récent d’Hendrik D. L. Vervliet18:
Celle de St Augustin danfrie, 94, 114 p[oinçons].
Le don de Charles Peignot qui eut lieu après 1974 au Musée de l’imprimerie et de la communication graphique de Lyon constitue la plus grande partie de ces mêmes poinçons gravés par Philippe Danfrie. Contrairement aux quelques poinçons de l’Arsenal, les poinçons de Lyon sont séparés en sept groupes, chacun marqués à l’aide d’une résine acrylique de couleur différente. Cette opération a sans doute été réalisée par le dernier graveur de poinçons en activité à la fonderie Deberny & Peignot, Jacques Camus (1930-2005)19, afin de faciliter l’identification des caractères pour un public non initié à la gravure de poinçons.
La boîte №6 contient 41 poinçons, marqués de rouge. Elle regroupe l’ensemble le plus necessary en nombre de la assortment. La couleur de l’acier employé et la manière dont ils ont été gravés indique qu’il s’agit des mêmes poinçons que ceux de l’Arsenal20. Les autres groupes de poinçons marqués d’orange (INV 866 №1, contenant 16 poinçons), de rose (INV 866 №2, contenant 7 poinçons), de jaune (INV 866 №3, contenant 13 poinçons), de noir (INV 866 №Four, contenant 13 poinçons), et de blanc (INV 866 №5, contenant 13 poinçons) s’apparentent à des regravure21. Ce que confirme Rémi Jimenes22:
En réalité, ces poinçons composent une police hybride, visiblement constituée de lettres appartenant à deux polices de même corps (un saint-augustin) […].
Les poinçons du fonds Mandel de l’Arsenal n’ont pas été marqués par de la résine de couleur. Ce qui permet d’estimer que Ladislas Mandel a prélevé les 8 poinçons dans le fonds patrimonial de Deberny & Peignot entre 1966 et 1974. On peut aussi formuler l’hypothèse que les autres poinçons du fonds Mandel de l’Arsenal ont également été prélevés à partir de la même époque.
Il n’existe aucun spécimen, ni aucune épreuve de caractères, issus directement de la fonderie de Philippe Danfrie. Néanmoins il est attainable d’identifier une bonne partie des lettres capitales de ce saint augustin (sort B1) à partir de l’alphabet reproduit dans un des premiers ouvrages sortis de la presse de Philippe Danfrie & Richard Breton23 en 1559.
Le caractère majuscule «D», formant une petite boucle renversée sur elle-même et gravé sur un des poinçons marqué de rouge du Musée de l’imprimerie de Lyon correspond bien au «D» de l’alphabet du livre de Pierre Habert († avant 1584)24. On retrouve ce «D» en caractère saint augustin imprimé sur la cinquième ligne et à la place de la quatrième lettre de cet alphabet.
La gravure et la fonderie en caractères au XVIᵉ siècle.
Voici la copy d’un des caractères gravés sur acier les plus anciens du fonds Mandel. C’est un caractère gravé sur un poinçon dont la forme du tronc a été taillée avec beaucoup de soin. Sept autres poinçons appartenant à la même fonte sont réunis sous la même cote Objet Mandel 194. On remarque à chaque fois la même façon de graver l’œil du caractère, les mêmes marques de signature visibles sur le chant du poinçon, ainsi que la même couleur du métal qui correspond probablement au même alliage d’acier.
L’histoire précise de la fabrication des poinçons en acier au XVIᵉ siècle, surtout en France, est à l’heure actuelle inconnue. Il ne reste aucun traité pouvant nous renseigner précisément sur la method de la gravure sur acier de l’époque. Quelques paperwork d’archives peuvent nous donner un aperçu de l’organisation de la fonderie de caractères en Italie25. Le Diario, ou registre, de l’imprimerie San Jacopo di Ripoli26 rédigé entre 1476-1486 et conservé à la Biblioteca nazionale centrale di Firenze27, permet de comprendre le rôle joué par les orfèvres dans la gravure des poinçons de l’époque. On y apprend que l’orfèvre Benvenuto di Chimenti fournissait les poinçons gravés par ses soins, et même des matrices. Cette organisation du travail de la gravure et de la fonderie de caractères en Italie est confirmée par la présence d’autres ateliers d’orfèvres fournissant des poinçons et des matrices à Rome et à Pérouse28. Les registres de l’imprimerie San Jacopo di Ripoli permettent de formuler quelques hypothèses sur la gravure des poinçons en acier au XVIᵉ siècle. L’utilisation des alliages d’acier dans la fabrication des poinçons nécessitait la connaissance des procédés de cémentation. Ces procédés étaient connus des orfèvres qui les appliquaient à d’autres métaux précieux et s’inscrivant dans le même imaginaire technologique29:
La cémentation renvoie au mystère des œuvres de la nature, ce qui peut laisser libre cours à l’imaginaire. Le rapprochement entre la cémentation du fer et celle des métaux précieux est également perceptible au travers des recettes de bain de trempe. L’analyse de ces recettes, de Pline à Paracelse, montre à la fois une grande variété dans la composition des bains et de certains ingrédients dont on sait aujourd’hui que les propriétés physiques sont discutables.
Cette hypothèse est confirmée par la façon dont le célèbre traité30 de Vannoccio Biringuccio (1480-1539), De la Pirotechnia, présente brièvement le métier de fondeur de caractères d’imprimerie. Cette activité nouvelle pour l’époque est classée par Vannoccio Biringuccio dans le domaine de l’orfèvrerie «Del arte del fabro orefice»31, partie qui concerne aussi le façonnage des différents métaux. C’est d’ailleurs la première mention du métier de fondeur dans un traité de métallurgie. L’activité est décrite comme «el fare delle letre che si stampa li libri»32, dans le chapitre VII qui concerne le façonnage de l’étain. Les recommandations methods au sujet de la fonte des caractères d’imprimerie se trouvent entrecoupées par différentes recommandations sur la fabrication de la poterie d’étain. Assez curieusement, la gravure des poinçons des caractères d’imprimerie n’est pas mentionnée dans le chapitre précédent qui concerne le façonnage du fer, et que l’auteur considère d’emblée comme très pénible, «[m]olto fadigoso»33.
Le métier d’orfèvre à Paris est beaucoup mieux connu et permet de comprendre l’organisation du travail à l’intérieur de ces ateliers très particuliers. Le travail de nuit était interdit, sauf pour la famille royale & l’évêque de Paris34. Les boutiques devaient rester closes aussi les jours de fête. Les statuts des orfèvres les obligeaient à tenir leurs boutiques dans des lieux ouverts et donnant directement sur la voie publique35. Comme on peut le voir sur cette estampe d’Étienne Delaune (1518?-1583), représentant l’intérieur d’un atelier d’orfèvre au XVIᵉ siècle au moment même où Philippe Danfrie gravait ses caractères d’imprimerie, les fenêtres et les portes de la boutique sont grandes ouvertes. Les forges et les fourneaux scellés en plâtre sont au milieu de la boutique et l’atelier est ouvert à tous les regards venant de la rue36. Celui-ci ne comporte pas d’autres pièces qui se trouvent à l’abri des regards. Le corps de métier était donc très contrôlé par l’État central. Ses règlements et ordonnances sont une autre source d’informations très riche37:
De tous le Corps de Communauté que nous voyons établis dans un si bel ordre à Paris, & qui partagent entre’eux l’exercice des Arts et du Commerce en cette grande Ville, on peut dire que celui de L’ORFÉVRERIE-JOYAILLERIE a été de tout tems un des mieux reglez & des plus soigneusement policez. Automotive ce Corps ayant pour objet la fabrique & le trafic des précieuses Marchandises, il a aussi toujours été veillé du côté de l’Autorité publique avec une consideration proportionnée à l’significance de cet Objet. Et de-là nous vient ce grand nombre de Reglemens anciens & modernes de toute espece ; Edits, Déclarations, Ordonnances, Arrêts & autres Titres, dont les diverses Tendencies concédent, amplifient & fixent ses Privileges & Exemptions ; établissent, corrigent & perfectionnent les différentes parties de sa Police, & reglent jusques aux moindres Factors de sa Discipline dans un détail surprenant.
La tâche précise de gravure des poinçons sur acier faisait l’objet de divers règlements, mais elle laissait à tout orfèvre la liberté de graver des poinçons pour son propre compte ou pour d’autres ateliers38:
Jusque dans les commencemens du siècle dernier, il n’avoit point encore été question de Particuliers établis & autorisez sous le Titre de Graveurs dans Paris; & l’on n’en connoissoit de tels que ceux qui étoient employez dans l’Hôtel des Monoyes à graver les Matrices & Quarrez d’acier pour la fabrique des Especes, Médailles & Jettons. Du reste, le Expertise de la Gravûre sur l’or & l’argent étoit essentiellement dépendant de l’Artwork d’Orfévrerie; comme celui de tailler les Pierres précieuses avoit toujours été uni à cette autre partie du même Art qui concerne la Joyaillerie.
La communauté des «Tailleurs-Graveurs en or, argent & tout autres Métaux» n’a été formée officiellement qu’en 162939, date à laquelle elle s’émancipa du métier d’orfèvre. Les statuts de la communauté permettaient aux Tailleurs-Graveurs de graver «Sceaux, Cachets, Chiffres, & généralement tous autres Ouvrages concernant leur Art»40. On comprend facilement que les graveurs de poinçons pour les caractères d’imprimerie devaient obligatoirement déclarer leur activité dans cette communauté jusqu’à la dissolution des firms à la fin de l’Ancien Régime. En dehors du privilège dont jouissaient les graveurs de l’Hôtel des Monnaies, cette émancipation causa aussi d’interminables contentieux vis-à-vis des orfèvres qui souhaitaient défendre jalousement leur ancien privilège41 et continuer à graver des poinçons en acier en dehors de leur propre poinçon de Maître42.
Il ne reste à l’heure actuelle plus aucune matrice connue du saint augustin (sort B1), frappée par Philippe Danfrie pour l’année 1558. Le Musée Plantin-Moretus à Anvers conserve les matrices que Philippe Danfrie a frappées et justifiées à la suite de ce saint augustin. Nous reviendrons sur cette fonte dans la partie suivante. Contrairement aux poinçons en acier dont la gravure semble propre aux ateliers de gravure du XVIᵉ siècle, ces matrices en cuivre sont assez semblables aux matrices frappées jusqu’à la fin du XIXᵉ , siècle lorsque les nouvelles methods de galvanoplasties viendront remplacer les methods de gravure des fonderies de caractères traditionnelles. Concernant la fonte des caractères d’imprimerie proprement dite, Vannoccio Biringuccio a très bien documenté la composition des alliages43 employés par les fonderies de son époque44:
Les lettres pour imprimer les liures se font premierement en composition de trois parties d’estain fin, une huitiesme de partie de plomb noir, & autant de magasite45 & d’antimoine fondue & meslee ensemble. De ce metaI, prendrez la quantité que vous aurez en fantaisie de fondre. Et apres que vous l’aurez gettee en verge, vous trauaillerez de la pouoir facilement tailler: Puis dedans vne forme faitte de bronze, vous méttrez en deuoir de pouoir adapter la grosseur & longeur des iambes de voz lettres. Puis auec certains moules faits à viz fondrez toutes les pieces, & dedans vne caissette de fer seront gettees l’une apres l’autre sans cesser, iusque à ce que vous aurez retiré la quantité de voz lettres, lesquelles vous rendrez esgals en mesure de l’estain, tout ainsi que du plomb se font platines pour courir eglises & autres edifices , & semblablement orgues & canaIs pour conduire l’eau.
Philippe Danfrie graveur en caractères.
La délimitation précise du travail de Philippe Danfrie pour la fabrication de polices de caractères, utilisant une forme d’écriture documentaire46 très particulière, nous est connue par un acte notarié conservé aux Archives nationales47 et entièrement retranscrit par Eugénie Droz48. À Paris, le lundi 18 août 1561, chez Jérôme Chapellain «notaire et secrétaire du Roi», le maître écrivain Pierre Hamon (15..-1569), demeurant «près l’hostel du chevallier du guet», Philippe Danfrie graveur, demeurant «rue Saint-Jacques », & Jean le Royer (15..-1581?) «marchant libraire et imprimeur du Roy, demourant rue Sainct-Jacques, en la maison où pend pour enseigne le Vray pottier » scellèrent une association par contrat pour graver plusieurs fontes en caractères françoys et italicques49:
Et pour laquelle selected mectre à execution, a esté advisé, promys et accordé entre eulx que du labeur dudict Danfrye (au moings en ce que conciste son artwork pour la graveure et justification desd. poinçons) luy sera alloué pour matiere et façon de chascun desd. poinçons faict, parfaict et justifié de quelque forme de lectre ou ligature que ce soyt, soyt de karactaires françoys ou de lectres italicques, grandes, moyennes, petittes, minuscules ou capitalles, à la raison de douze solz tournoiz chacune piece ou poinçon justifié, à pendre et recouvrer desd. douze solz tournoiz sur le premier esmolument qui proviendra de la dicte impression, lesquelz poinçons icelluy Danfrye tirera, prendra et justifira sur les exemplaires et alphabetz dud. Hamon, lesquelz exemplaires et alphabetz icelluy Hamon sera tenu fournir et bailler audict Danfrye, toutes et quantes foys qu’il l’en requerra, sans discontinuation de l’œuvre, depuys le premier jour encommencé jusques à la perfection d’icelluy.
Pour lequel labeur de lectres, alphabetz et exemplaires sortiz de la plume dud. Hamon, icelluy Hamon prendra et recepvra aussy sur lad. premiere besongne et esmolument qui proviendra d’icelle impression nouvelle, la somme de douze escuz soleil pour chacun corps et forme de lectres y comprenant ung corps de plus grosse lectre, servant à faire les chefz et graduation de chascun chappitre, pour lequel corps conviendra dc trente à quarente poinçons, tous lesquelz par maniere d’advence, feront fondz et tiendront lieu avecques la graveure et labeur dudict Danfrye, que icelluy Danfrye advencera aussy de son costé, à reprendre et retirer la valleur d’iceulx, comme dict a esté, à raison de douze solz tournoiz le poinçon justifié sur la masse de la besongne qui en sera faicte, à moings de ce que pourra monter sa tierce partye, comme fraiz et advencement faict par luy, tant que ce pourra monter le nombre desd. poinçons aud. pris de douze solz tournoiz chacun.
Ce contrat passé devant notaire nous apprend plusieurs éléments sur le fonctionnement de la fonderie de Phillipe Danfrie. Le plus necessary étant le rôle joué par le maître écrivain Pierre Hamon pour fournir les modèles d’écriture françoyse, «sortiz de la plume», qu’il s’était engagé à donner et pour lequel et il était rémunéré « douze escuz soleil pour chacun corps et forme de lectres ». Les modèles manuscrits transmis par Pierre Hamon ont servi à graver la petite augustine françoise50, (sort B3), dont le jeu de poinçons et de matrices est maintenant conservé51 au Musée Plantin-Moretus. La «plus grosse lectre, servant à faire les chefs», une lettre de deux points dont les poinçons et matrices ont maintenant disparu, a été aussi documentée récemment par Hendrik D. L. Vervliet (sort B3a)52. Philippe Danfrie était donc le graveur de poinçons et Pierre Hamon la primary qui fournit le modèle de l’écriture documentaire de chancellerie53.
Cette stricte répartition des tâches indique que Philippe Danfrie n’a également fait que graver les poinçons en Lettre françoyse, de corps saint augustin (sort B1), conservés maintenant dans le fonds Mandel de l’Arsenal et au Musée de l’imprimerie et de la communication graphique de Lyon. Cette hypothèse est confirmée par Jérôme Pichon. Dans les Mélanges publiés par la Société des bibliophiles françois, il attribue à «M. Le Breton, secrétaire du cardinal de Lorraine»54, la fundamental qui aurait fourni le premier modèle d’écriture que Philippe Danfrie a gravé.
Jérôme Pichon s’appuie sur le «Sonnet» introduisant Le Discours de la Courtroom, imprimé par Philippe Danfrie & Richard Breton en 1558. Cet ouvrage est une réécriture de l’ouvrage de Claude Chappuys (1500?-1575), Le Discours de la Courtroom, 1543, et que l’on attribue parfois à François Habert (1508?-1562?)55. Celui-ci aurait modifié l’unique en remplaçant les noms des personnages cités dans le livre56. Comme Claude Chappuis était encore vivant et écrivait toujours, l’attribution de l’œuvre et du sonnet ne peut pas pour l’immediate être définitive57. En tout cas, le sonnet écrit au début de l’édition de 1558 attribue le premier utilization de cette Lettre françoyse gravée dans le corps saint augustin (sort B1) à cet ouvrage. Le sonnet est dédié à Nicolas le Breton (1506-1574), «Secrétaire & très illustre, à révérendissime Cardinal & Lorraine»58:
Récognaissant que vous estes L’Autheur
Que ceste lettre est produicte en lumiere
(Trescher Seigneur) La louange pleniere
Vous en etes deue et suict vostre debteur.
O des vertues et des arts protecteur,
Prenez en gré ma semence premiere,
En bref aurez par facon singuliere
De plus beaux traicts un plus exquis labeur.
Icy n’auez qu’un premier coup d’essay
Pour esprouuer ce que faire ie scay.
Dessous le pli & meilleure esperance,
A tout le moins pour le commencement
Approprié j’ay curieusement
Lettre Françoise à un grand Roy de France.
Les skills de maître écrivain de Nicolas Breton59 sont confirmés par Joachim du Bellay († 1560) lui-même, dans Les Regrets60:
Le Breton est sçavant et sça
Comments